Quelques textes...

 

 

   J'avais plus envie d'écrire, comme si je reniais la page vide et son regard lourd de conséquences, son invitation implicite, sa façon de me prendre par la main de manière détournée et de m'emmener loin, vers où je ne veux sans doute pas aller. Par crainte.

   J'ai longtemps tergiversé, d'une humeur vagabonde et indolente, dans une espèce de nonchalance teintée d'une seule envie : errer seule, aller trainer mon manque, ma déficience sans personne alentour. Aller pleurer mes mots perdus, mes amis occupés, mes amours épisodiques et cette impression de dèche ambiante qui donne envie de jeter le monde tout entier, les océans y compris et les malheureux qui n'y sont pour rien.

                                       *Love is suicide.

 Si Dieu a inventé un jour la basse, c'est parce qu'il savait que Frank en jouerait.
Si Dieu a inventé Thiéfaine et Led Zep, c'est parce qu'il savait que nous reprendrions leurs airs, riffs et textes un soir de juillet entre gratts, lunettes noires, armagnac et bougies.
Si Dieu a inventé les taxis, c'est parce qu'il savait que nos looks de rock stars déchéantes et notre cynisme exacerbé y feraient bonne figure.
Si Dieu a inventé la vodka, le rock, les sourires et les étreintes, c'est parce qu'il savait que nous en profiterions outrageusement un jour.
Si Dieu a inventé l'amour, l'amitié et le reste, c'est parce qu'il savait...

 *Forcément.

   La nuit tous les rats sont gris, et toutes les bougies sentent la canelle, ou l'orange, je ne sais plus. La maison a des réminiscences de révolution, de révolte, de bouleversements, des odeurs de fumée, des odeurs de breuvages un rien sorciers, de roulages un rien extravagants et ô combien bénéfiques. La musique se fait planante, aguichante, se transforme à mesure que les clopes se consument, que les verres de vodka se vident et que tous les excès, tous les penchants maudits délivrent toute leur saveur, toute leur intensité. Les rats cottoient le chat et le chat se fout des rats. Et des souris aussi, d'ailleurs. J'essaie d'écrire un sourire mais je n'entends que le métro aérien.

                                          *Humeur déjantée.

  

  Eraflée, écartelée et démantibulée. Comme si l'ange déçu gisait là sans défense, abandonnée de tous et, pire encore, abandonnée des regards les plus cruels et les plus anodins. La vie ne vaudrait la peine d'être vécue que dans l'universalité, mais, je ne connais que l'universalité de ces murs qui m'entourent, de ce repos forcé qui m'enserre, de cette vie étriquée et déchéante qui anihile tout jusqu'aux bonnes intentions et aux espoirs.

  Mon esprit se tapit, erre, en veut indistinctement à la terre entière,voire aux elfes qui -même eux!- ne m'ont pas comprise, à tous ceux qui me font mal, qui font de mon âme un récipendaire d'écorchures.

                                           *Et d'éraflures.

   D'humeur tremblotante, tiraillée par des riffs, par les effluves de café, par les mots du journal désemparé et par les silences génés du chat. Le rock, c'est parfois comme un coeur qui bat trop vite, comme un coeur sous l'emprise du café, des angoisses, de l'excitation et des défis. Il signifie, il entraine, il tétanise, au choix. Selon les humeurs et le besoin du jour. Sans jamais être parcimonieux, sans jamais se garder de livrer ou de donner. C'est un vieil ami, fidèle, un amant remuant, un refuge immanescent, une potion magique, un poison maléfique, un stand-by satifaisant et rassurant. C'est un peu comme les mots, comme les paroles que l'on connait par coeur.

                                          *Générateur de frissons.

   Dormir dans l'après-midi, par phases, suçotant mon pouce dans le Rer, clignantdes yeux dans le bus, la tête en arrière et les cheveux ébouriffés, le sourire d'une gamine rêveuse, les Bérus dans la tête, Charlie Hebdo dans les mains. Et, courir se lover auprès d'un chat forcément noir. Repenser aux bons moments, frémir en revoyant un sourire évocateur, se fier aux feelings intrigants et persistants, survoler le pont Alexandre III, rêver Paris et trouver enfin le sommeil. Se reveiller aux alentours de minuit, rechercher dans la nuit une amie et une complicité, reprendre le flot des intuitions, avoir envie de parler, de dire, d'écrire. De souscrire aux bons moments.

                                         *Humeur semi-rêveuse.

  Ce matin, je me suis procurée un grand instant de plaisir, hors de toute réalité, les fesses mouillées, le nez rouge, et le regard qui divaguait vers les formes un peu brumeuses quoique parfaites de Saint-Eustache.

   En fait, pour changer, j'avais encore raté un train, et je l'avais mauvaise.Très mauvaise. Alors, j'ai fait machine arrière, et je me suis assise sur un banc bien humide, en grignotant un pain au chocolat, puis, en tirant nerveusement sur une Chesterfield, en écrivant, lassée de voir des gens courir dans tous les sens, lassée de voir que mon nouveau point d'attache était cette maudite et affreuse Gare de Lyon qui me menait dans des contrées à peine civilisées.

                                          *J'y cherche toujours Saint-Eustache.

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